Eléments techniques
– Répartition des tâches
– Les hommes embarqués (embarcayres) : le pilote, six (ou huit) matelots et l’ancrey, placé à tribord avant, chargé d’aider le pilote à la manœuvre (pour virer notamment) et de mettre à l’ancre la pinasse à l’accostage.
– Les équipes de terre : deux équipes d’une douzaine de pêcheurs, dont le gayre, chargé de repérer du bord les endroits les plus propices à la pêche et de signaler au pilote le point de départ d’un
lanç1.
A la fin du lanç, la pinasse est retournée vers le large et reste sous la garde de deux ou trois hommes qui la maintiennent face à la vague. Les autres matelots vont aider les équipes de terre à ramener la senne au rivage.
– Le matériel
– La pinasse comporte 5 bancs de nage : pour la pêche, seuls trois ou quatre sont utilisés (6 ou 8 rameurs). Le filet a sa place à l’arrière.
– La senne, appelée localement trailline : longueur totale 213,5 m
– A chaque extrémité, la senne est reliée à un bourdon (pieu de bois permettant de maintenir le filet tendu verticalement), lui-même prolongé par une corde (la caranteneyre, 40 m) grâce à laquelle l’équipe de terre pourra ramener le filet sur le rivage. Cette corde est prolongée par une cordelette au bout de laquelle est attaché le malhoc2 qui sera lancé de la pinasse aux hommes de terre au début du déroulé de la senne, leur permettant de ramener et de se saisir du bout de filet qui leur revient.
Chronologie
La pêche se décide en fonction de plusieurs critères : le pilote et le gayre se rendent préalablement sur la dune et sur la plage afin de déterminer si les conditions sont favorables à la pêche. Le pilote a en charge l’évaluation des conditions de mer : hauteur de la houle, direction et force du vent, coefficient de marée, etc. Le gayre est celui qui sait repérer les bancs de poisson, en fonction de la topographie du rivage, des courants, etc. L’heure du rendez-vous est fixée de manière à commencer la pêche au début de la marée montante, le plus souvent à l’aube ou au crépuscule. L’annonce se fait à la burne, qu’un cycliste fait résonner dans les différents quartiers du village. La même note grave et puissante scande :
Touts, touts à le ma
Touts à le ma per ana pesca3
De nos jours le téléphone simplifie l’opération mais lui ôte son pittoresque.
A l’heure dite, chacun se rend au parc4. Une vingtaine de gaillards suffit à peine pour porter l’embarcation (environ une tonne) jusqu’au rivage, l’épaule calée sous la single5, répartis en fonction de leur taille. Les autres portent les avirons, le plancher pour alléger la charge et le filet. Celui-ci est acheminé en plusieurs paquets ou heshs, disposés en grappes sur des bâtons (paous), deux porteurs par bâton. Avant la mise à l’eau le plancher est remis, la senne soigneusement empilée à l’arrière. La pinasse est maintenue proue face à la vague. Montent à bord le pilote et l’ancrey puis les rameurs. L’embarcation est alors fortement propulsée par les hommes de terre. Sur ordre du pilote, les rames battent en cadence pour passer la ligne des brisants. A l’endroit propice pour un lanç, désigné par le gayre, le pilote dirige la pinasse vers le rivage. Un homme s’avance dans l’eau pour attraper le mailhoch lancé par le pilote, relié à la caranteneyre, permettant à la première équipe de terre de se saisir d’une extrémité de la senne. Cette manœuvre est délicate et même dangereuse car pour reprendre le large, la pinasse est un moment exposée flanc à la vague. Il convient, pour le pilote de bien anticiper l’embellie. Solidement tenue à une extrémité par les hommes de terre, la senne6 se déploie par tribord arrière, en arc de cercle. A l’accostage, l’autre extrémité est saisie par l’autre équipe de terre et le filet est halé sur la plage. Deux ou trois rameurs maintiennent la pinasse face à la vague et l’ancrey assure l’ancrage du bateau au rivage. Aussitôt commence la collecte du poisson et la préparation de la senne pour le lanç suivant. L’opération se renouvelle plusieurs fois, en fonction des prises et de la résistance physique des participants.
La pêche terminée, il faut remonter la pinasse, le filet (autrefois en coton, il pesait beaucoup plus au retour qu’à l’aller), et le poisson. Alors, selon un rituel immuable, avait lieu le partage : on aligne des tas de poissons, sensiblement équivalents en quantité et en qualité, autant de parts que de participants (la part du propriétaire et celle du pilote — doubles — ayant été prélevées avant). Chaque pêcheur dépose dans un panier un objet personnel (briquet, couteau, clef, etc.) On confie ensuite à une main innocente (souvent un jeune ou un enfant) le soin de marquer chaque lot de poisson par un de ces objets que son propriétaire reconnaîtra.
Le partage achevé, la troupe s’attardait généralement chez Charlotte ou chez Marthe, selon l’équipage7, pour reconstituer ses forces dans une atmosphère conviviale.
1 : Coup de filet
2 : Pièce de bois en forme de mailloche de grosse caisse
3 : Tel était l’ « indicatif » de la pinasse de Donesse (dit « l’Anglais »), mais chaque pinasse avait le sien.
4 : Cabane en bois abritant la pinasse, souvent à flanc de dune
5 : Rebord supérieur de la coque
6 : Filet de 200 à 300 m dont la poche centrale est haute de 6 mètres environ
7 : Longtemps deux pinasses avec deux équipages différents ont coexisté à Contis.
Commentaires récents